I/SITUATION DE L’ARMEE DE L’AIR AU DEBUT DE LA GUERRE :
L’armée de l’Air, état des lieux :
Au moment où l’Allemagne nazie lance les opérations d’invasion de la France, la jeune armée de l’Air – créé le 2 juillet 1934 – est toujours en phase de rééquipement.
Certes pour remplacer ses nombreux aéronefs vétustes, mais aussi pour en accroître le nombre et donc augmenter son potentiel offensif. C’est aussi dans ce but qu’est crée l’aviation d’assaut.
Cette situation découle essentiellement des ajournements successifs des différents plans de réarmement, bloquant de fait le développement de la capacité industrielle du secteur aéronautique.
Elle résulte aussi d’une doctrine d’emploi de l’arme aérienne désuète et erronée, qu’il faudra tenter de corriger par la suite. Les aviateurs allemands diront des pilotes français qu’ils se sont battus avec courage et abnégation, mais en employant des méthodes datant de la Première Guerre mondiale.
Ainsi, de juin 1933 à juin 1940, cinq programmes de réarmement et de modernisation vont être conduits sans qu’aucun ne soit mené à terme !
L’armée de l’Air, tout comme l’armée de Terre d’ailleurs, entre en guerre dans un net état d’infériorité face à son puissant ennemi, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.
Pourtant, ses personnels n’ont pas démérité et les chiffres sont éloquents à ce sujet : au moment de l’armistice, entre 600 et 800 aéronefs ennemis (selon les sources) ont été détruits pour la perte d’environs 850 appareils français. Ces données sont approximatives car il est parfois difficile de faire la corrélation entre victoires homologuées d’un côté et pertes déclarées de l’autre. Prés de 15% des personnels navigants ont été tués, blessés ou portés disparus au cours de la bataille de France.
Organisation du dispositif aérien dans la région d’ETAIN-ROUVRES :
Le 10 mai 1940, les unités regroupées dans la région d’ETAIN-ROUVRES sont intégrées à la Zone d’Opération Aérienne Est (« ZOAE », la France est alors découpée en quatre grandes zones d’opérations aériennes).
La ZOAE est commandée par le général de corps aérien René BOUSCAT.
Son chef d’état-major est le colonel Jean CARAYON et le PC est situé à NANCY.
Le Groupe de Reconnaissance I/22 (GR I/22), basé à METZ-FRESCATY, est rattaché à la 3ème Division Aérienne.
La reconnaissance, composée des 5 Groupes Aériens d’Observations (GAO) sujets de cet article, sont détachés au profit de la troisième armée terrestre.
Cette dernière est commandée par le général CONDE dont le PC se situe à METZ.

| POTEZ 63.11 du GR II/39 en vol dans le ciel de Syrie, peu après la bataille de France (il ne possède pas encore les marquages d’armistice, imposés par l’Allemagne nazie). Consciente des dures conditions d’armistice qui l’attendent, la France évacuera un maximum d’aéronefs vers l’AFN. Dans l’éventualité de la poursuite des combats depuis ses colonies … |

Cette carte illustre l’organisation du dispositif aérien au 10 mai 1940 dans la région est.
Les étoiles orange figurent les Groupes Aériens d’Observation, les étoiles jaunes les Groupes de Reconnaissance et les carrés rouges les Groupes de Chasse. Nous pouvons remarquer que les GAO sont proches des premières lignes, au contact des unités terrestres. Notez aussi la forte concentration de ces entités à l’ouest de Metz, idéalement positionnées derrière la ligne Maginot et proches des territoires ennemis à reconnaitre.
II/ LES TERRAINS D’AVIATION DANS LA REGION DE ROUVRES :
Cet article ne présente que les plateformes proches de la base d’Etain-Rouvres.
Elles étaient toutes occupées par des GAO et l’on peut encore aujourd’hui en deviner l’existence sur le terrain, pour celles qui ne sont plus en activité.
Les missions des GAO étaient très variées – liaisons, reconnaissance tactique ou stratégique, guidage des tirs d’artillerie – mais malheureusement, ils n’auront jamais la complète confiance du commandement des forces terrestres. Conjuguée au manque de moyens de communications, les conséquences furent désastreuses quant aux prises de décisions durant la campagne de France, les états-majors étant de fait littéralement aveuglés.
Point-fixe de maintenance pour ce POTEZ 63.11, cloué au sol par les conditions d’armistice.
Terrain de SENON-SPINCOURT :
Le camp d’aviation se trouvait à un kilomètre au Nord de SENON, limité à l’ouest par la route SENON – LOISON, à l’est par la route SENON – SPINCOURT et au nord par les bois.
Il a été réalisé en 1936, suite au jugement d’expropriation du 20 mars 1935 et portant sur 120 hectares. Bien qu’aménagé en totalité sur le ban de SENON, il portait le nom de terrain d’aviation de SENON – SPINCOURT selon la nomenclature officielle de l’époque.
Il ne s’agissait que d’une simple surface plane nivelée par le génie militaire et ensemencée en herbe. Il n’y avait pas d’autres constructions que trois citernes enterrées pour le carburant et un poste télégraphique, également enterré. Il resta inoccupé de 1936 à 1939, étant alors loué aux agriculteurs.
| Le terrain d’aviation de SENON-SPINCOURT se trouvait à un kilomètre environ au nord de SENON, limité à l’ouest par la route SENON-LOISON, à l’est par la route SENON-SPINCOURT, au nord par le Bois-le-Prêtre.
|
De septembre 1939 à mai 1940, il fut occupé par le Groupe Aérien d’Observation français III/551, originaire d’ORLY et aux ordres du capitaine BOURSAUS. Ce groupe, appartenant à
la formation aérienne 27, était détaché à la troisième Division légère de cavalerie (3ème DLC). Ce GAO était alors équipé de biplans d’observation désuets et très vulnérables, des MUREAUX 113 et 117.Ils furent ensuite partiellement remplacés par 6 Potez 63.11.
Préparation au vol pour ces POTEZ 63.11 du GAO III/551.
La tâche fut très lourde pour les équipes de maintenance qui ont tenté, coûte que coûte, de maintenir un maximum d’aéronefs en ligne de vol. Des témoignages racontent comment les échelons roulants quittaient les terrains in-extremis, au moment où ils étaient investis par l’ennemi, tentant de sauver ce qui pouvait l’être et sabotant le reste.
Dans ce contexte de débâcle où tout manquait, des mécaniciens sont retournés prélever des pièces sur des épaves au nez et à la barbe des nouveaux occupants afin de dépanner les aéronefs encore disponibles.
Comme c’était l’usage pour ces petits détachements, les aviateurs, ainsi qu’une compagnie de l’Air (la 227) logeaient chez l’habitant (les officiers dans des chambres libres et les soldats dans les granges). Il y avait un mess des officiers dans le village.
Fanion des traditions du GAO III/551
Le terrain fut bombardé par la Luftwaffe à plusieurs reprises, en particulier le 10 mai 1940 où il y eut deux attaques dans la journée. La première débuta à 4 heures du matin et la seconde eut lieu vers 10 heures. Aucune victime ne fût à déplorer mais deux avions au sol furent endommagés.
Face à l’avance allemande, le terrain fût abandonné par les français et immédiatement réoccupé par les anglais (RAF). Un nouveau bombardement eut lieu vers 13 heures le 13 mai et les anglais l’abandonnèrent définitivement le 20 mai.
Entre le 20 mai et le 14 juin, alors que le terrain était inoccupé, une énorme charrue du génie vint le labourer en tous sens pour le rendre inutilisable.
Au cours de la campagne de mai-juin 1940, un avion allemand DO 17 qui observait le terrain fut abattu en flammes à SENON, sans doute par un chasseur du Squadron 73 basé à ROUVRES.
Les allemands arrivèrent à SENON le 14 juin 1940 à 16 heures et s’installèrent dans les maisons et les granges vides, les villageois ayant abandonné leur village dans la nuit du 13 au 14 juin.
En septembre 1940, les allemands implantèrent une ferme « Ostland » sur le terrain et sur 50 hectares qu’ils réquisitionnèrent à proximité.
L’ensemble fut mis en culture à l’aide de prisonniers français et de déportés polonais.
A partir du 20 août 1944, les allemands réutilisèrent le terrain comme base de repli durant huit jours; des personnels de soutien de la Luftwaffe arrivèrent un beau matin et s’installèrent dans le village.
Un autre groupe, aussi affecté au terrain de SENON s’installa à VAUDONCOURT.
Après remise en état du terrain, 15 à 20 monomoteurs MESSERSCHMIDT s’installèrent.
Puis arrivèrent ensuite une douzaine de bimoteurs, que les allemands remorquaient avec un tracteur spécial et cachaient à la lisière des bois.
Les allemands évacuèrent le terrain le 30 août et il ne fût plus jamais utilisé.
D’abord loué à des agriculteurs, il fut finalement vendu en 1971.
Une plaque de marbre est apposée sur la façade de la mairie de SENON et rappelle la courte occupation du terrain d’aviation par le GAO III/551
Sources : site de la commune de Senon (senon.I3fr.org)
Terrain d’ETAIN-BUZY :
Le terrain d’aviation d’ETAIN-BUZY était occupé à l’entrée en guerre par deux unités de l’armée de l’air.
Le G.A.O. I/551 d’une part, équipé de 6 POTEZ 63.11 et de 4 MUREAUX 117. Ce groupement était commandé par le CNE TERNANT et appartenait à la Force Aérienne 21. Il était détaché auprès du XXIème Corps d’Armée.
Le 2ème Bataillon d’aérostation n° 200 d’autre part, commandé par le CNE LAVERSANNE.
Insigne et fanion des traditions du GAO 551 (« hirondelle chassant »)
Membre d’équipage d’un POTEZ 63/11 du GAO 511. Elle illustre la tenue –bottes fourrées, combinaison et couvre-tête chauffants – que portaient les équipages pour lutter contre le froid lors des longs vols de reconnaissance.
Remarquez la mitrailleuse MAC Mle 34 de 7,5 mm installée à l’arrière du cockpit.
| Le terrain d’aviation d’ETAIN-BUZY était situé à l’ouest de la route BUZY-LANHERES-ROUVRES (D. 167), un kilomètre au nord de BUZY |
ANF-Les-MUREAUX 117 R2B2 n°174 du GAO I/551. ATTIGNY, septembre 1939.
Le groupe était implanté prés de ce bourg ardennais avant de rejoindre ROUVRES
ANF-Les MUREAUX 117 R2B2 n°121 du GAO I/551.BUZY, fin mai 1940.
Nous pouvons noter l’évolution du camouflage, devenu particulièrement sophistiqué dans le but de compenser l’extrême vulnérabilité de ces appareils en tentant de les soustraire à la vue de l’ennemi.
Epave du POTEZ 63.11 n° 318, mitraillé au sol à TOURNES-BELVAL le 10 ou 11 juin 1940 et abandonné lors du repli du 13 juin. Bien qu’appartenant au GAO II/551, cette scène illustre parfaitement la situation de l’Armée de l’Air en mai et juin 1940 : le harcèlement incessant de la Luftwaffe et les nombreux replis pour échapper à la rapide avance ennemi causèrent d’importantes pertes matériels, entraînant une chute rapide de la disponibilité des aéronefs.
Terrain de DONCOURT-LES-CONFLANS:
Le camp d’aviation de DONCOURT-LES-CONFLANS, situé au nord du village, fut créé à la fin des années 30 pour l’aéro-club local. Il présentait une surface d’environs 1000m x 1000m.
Il était occupé par le GAO I/506, aux ordres du CNE ROBERT et dépendait de la Force Aérienne 23 (LCL BARADEZ), 42ème Corps d’Armée du général SIVOT dont le PC était à DONCOURT.
Ce groupe aérien d’observation était alors équipé de 4 POTEZ 63/11 et de 6 MUREAUX 113 et 115.
Traditions du GAO I/506
Après la campagne de France, le terrain resta inactif jusqu’à avril 1944.
Aujourd’hui, le terrain, ayant renoué avec ses origines civiles, est toujours actif.
Terrain de CHAMBLEY-BUSSIERES:
Après un bref passage sur le terrain de BUZY en aout 1939, le GAO II/506 devait s’installer à CHAMBLEY-BUSSIERES le 23 octobre de la même année.
Il évacua les installations le 13 juin 1940 pour échapper à l’avance allemande et se redéployer provisoirement à MARTIGNY-LES-GERBONVAUX.
Le GAO II/506 était commandé par le CNE DE LA BAUME et appartenait à la force aérienne n° 6 (LCL PATAUCHON), VIème corps d’Armée du général LOIZEAU dont le PC était installé à CHAMBLEY.
Cette unité de reconnaissance était équipée de 9 POTEZ 63.11 et 5 MUREAUX 115 et 117.
Traditions du GAO II/506
Son emplacement était l’actuel aérodrome de CHAMBLEY.
Terrain de MARS-LA-TOUR:
Le camp d’aviation de MARS-LA-TOUR fut réalisé en 1936 sur une surface de 60 hectares. Il était axé vers le village de VILLE-SUR-YRON, perpendiculairement à la départementale 903. L’autre coté de cette route, en allant vers le château, était boisé et les avions y étaient parqués pour les soustraire à la vue de l’ennemi.
Cette zone a été défrichée il y a quelque temps et les infrastructures restantes –abris en béton- rasées.
Il était occupé par le GAO II/508, aux ordres du CNE BUSSIERE.
Ce GAO, dépendant de la Force Aérienne 22 (LCL BLOCH), était détaché au profit du Corps d’Armée Colonial du Général FREYDENBERG, dont le PC se situait aussi à MARS-LA-TOUR.
Le II/508 disposait de 6 POTEZ 63.11.
Le terrain fut utilisé durant l’occupation pour l’entrainement des planeurs DFS et GOTHA de la Luftwaffe. GOERING est venu en personne inspecter les installations.
Aujourd’hui, quelques emplacements bétonnés de FLAK (LA DCA allemande) témoignent encore de la présence de l’aérodrome, surnommé la « jumelle de DONCOURT ».
Planeur allemand GOTHA Go 242
Planeur allemand DFS 230
| Le terrain d’aviation de MARS-LA-TOUR était établi au Nord-Ouest du bourg dans un quadrilatère délimité par la D. 132 au nord, la D. 952 à l’est, la D. 903 au Sud et les sapinières proches de l’YRON à l’ouest |
Le camp d’aviation de MARS-LA-TOUR est typique de ce qu’il peut être attendu de ce genre d’installation. A savoir une implantation au plus près des voies de communication afin de permettre la circulation rapide des estafettes vers les PC, dés le retour des missions de reconnaissance.
Sources :
L’aviation française de D. BREFFORT (éd. Histoire&Collections)
Les ailes françaises sous l’uniforme, 1912-1945 de B. CHAPELLE (éd. Offset Express)
Sites Internet : »Traditions des escadrilles de l’Armée de l’Air » de Henri Guyot
« Les Insignes de l’Armée de l’Air » de Jean-Jacques Leclercq
« Mémoires des hommes » du Ministère de la Défense